Papier paru dans le cercle des échos le 18 juin 2012

Si la France ou la Corse ne transforment pas en profondeur leurs économies, la crise financière sonne le démarrage de crises à répétition. Cette transformation ne sera pas le résultat de mesures techniques, mais d’un changement radical d’état d’esprit, de comportement, de savoir-faire de la part de tous les acteurs car les économies du futurs seront des économies de la coopération.

Alors que nous vivons une des crises financières les plus graves de l’histoire qui contamine l’ensemble des activités économiques, nous avons toujours devant nous les murs épais contre lesquels un jour où l’autre notre course aveugle et effrénée à la croissance bonheur va s’écraser : le vieillissement, la santé publique, la dépendance, la pollution. Nos élites emploient une méthode qui semble empruntée à la caserne des pompiers du VIIIème arrondissement de Paris, qui consiste à parer au plus pressé : « faire des économies » ou plutôt limiter les dépenses au strict nécessaire, ce qui entraîne, , malgré tout, des déficits. En effet, au cours de la campagne présidentielle qui vient de s’achever, n’avons-nous pas eu des débats de comptables sur des montants qui compte-tenu des murs qui sont devant nous ne peuvent qu’augmenter, même si la proportion mérite d’être maîtrisée ?


Une lumière point dans la conscience de certains qui se mettent à prôner une réindustrialisation de La France. Cependant, la potion demeure toujours obscure, lorsqu’elle n’est pas traduite en lignes budgétaires ou bien si promptement qu’on doute de son efficacité. D’autres rappellent à grands cors qu’ils sont les fleurons de l’économie française et que moyennant quelques moyens supplémentaires, ils feront repartir la machine. C’est par exemple le projet Andromède de Cloud à la Française financé par le FSI. Le projet était-il viable qu’il aurait sans mal, compte-tenu des acteurs, obtenu un financement privé ou bien, l’est il, et le financement serait à moindre coût. En tous cas, les fameuses PME de taille intermédiaire que tout le monde appelle de ses voeux n’y ont pas été associées, ou bien seront elles, comme d’usage, les sous traitants qui exécutent réellement les tâches.

Finalement, la France est orpheline. Dans les années 50, elle avait une vision de son développement économique : l’ingénierie, l’industrie, l’informatique, l’espace, l’armement. L’élite avait une vision et en main les leviers qui entraînaient l’ensemble du pays. Dans les années 80 un changement profond dans l’économie industrielle mondiale s’est produit. Nous avons connu la crise de l’acier. L’élite s’est repositionnée sur des activités de niche et pour le reste à lancer le pays dans les activités de services. Aujourd’hui, aurait-elle une vision, qu’elle ne concernerait plus les leviers capables d’entraîner tous le pays. La France est orpheline d’une vision, chacun des acteurs économiques s’en réclame, mais c’est de la sienne propre qu’il s’agit.

Le diagnostic est difficile car il concerne aussi les champions d’aujourd’hui, comme il concerne ce que pendant des années nous n’avons pas su faire et que, tant bien que mal, nous avons tu. Nous pouvons nous féliciter de nos réussites comme les ingénieurs les mieux formés de la planète, une avance technologiques dans certains secteurs – le nucléaire, les voitures électriques,… – il nous faut affronter une situation qui questionne le fondement même du fonctionnement économique de la France.

Pourquoi depuis plus de 20 ans, la France qui a contribué aux découvertes majeures qui fondent l’environnement technologique mondial, n’a pas développé d’activités significatives dans ces secteurs ? Pourquoi ces PME, familiales pour la plupart, ne veulent ni faire de profit , ni croître ? Pourquoi alors que la capacité d’exporter est essentielle, nos ports qui, dans les années 70, pouvaient être des champions européens, ont vu leurs activités supplantées par celles de Rotterdam ? Pourquoi dans des secteurs où nous sommes champions, les dirigeants s’opposent si bien qu’ils mettent en péril l’activité ?

Oui le diagnostic est difficile, et la potion encore davantage car nous devons nous transformer radicalement. Il faut faire le bilan des chaines de valeur existantes et des nouvelles en train de se former, afin d’y trouver des positions qui siéent à la France. Evidemment, la plupart de nos stratèges sont déjà à l’oeuvre, sauf qu’ils doivent changer d’état d’esprit et identifier les coopérations fructueuses. La stratégie principale ne doit plus être de devenir le plus gros pour espérer la totalité d’un marché grâce à des économies d’échelles, elle doit être de développer la capacité à coopérer avec d’autres acteurs d’égal à égal pour maximiser la valeur apportée aux clients. Il faut aussi faire surgir ces acteurs de tailles intermédiaires qui n’existent pas. Pourquoi ne pas valoriser les élites industrielles lorsqu’elles créent ces entreprises, plutôt que de les nommer à la tête de groupes du CAC40 ? Et puis les travailleurs doivent y être aussi associés car, la flexibilité nécessaire à cette nouvelle économie ne sera pas obtenue sans eux, sans qu’eux aussi n’y retirent un avantage. Enfin, Il y a la question difficile de la formation qui, depuis 15 ans, est un gouffre financier sans résultat concluant. Les entreprises la voit comme une mission incombant à la société civile que celle-ci est bien incapable de valoriser, encore moins d’adapter aux réels besoins, témoin en est l’apprentissage qui décolle modestement alors que le corps enseignant est de très bon niveau. La question se pose dans les mêmes termes pour la Recherche.

Dans cette économie mondiale basée sur la coopération, nous devons aussi nous transformer et bâtir une économie française de coopération. Nous devons tous changer notre état d’esprit, nous mettre côte à côte pour identifier les coopérations possibles et leurs avantages, ne plus avoir peur l’un de l’autre. L’état a peut être un rôle à jouer pour garantir l’équilibre lorsque la taille des acteurs disproportionnées. Il faut aussi arrêter de nous invectiver, de nous culpabiliser les uns et les autres, comme au sujet du temps de travail : les travailleurs français ont un taux de productivité parmi les plus élevés du monde car ils accomplissent beaucoup plus d’heures que ce qui est déclaré.

Relever le défi de transformer en profondeur le fonctionnement de notre économie et la formation de nos concitoyens nous donnera les moyens de gérer les questions du vieillissement, de la santé publique, de la dépendance et de la pollution qui, soit dit en passant, ne sont pas étrangères à la baisse de confiance à l’égard des états. Les moyens à y consacrer seraient-ils démesurés ? C’est le changement qui est important, c’est lui qui portera ses fruits et qui, restaurant la confiance, attirera de plus en plus de moyens. Ah oui, car pour réussir la coopération il faut penser les choses comme des systèmes, c’est en dire en tenant compte de ce qui les relient et, les fait évoluer ensemble, et non pas ce qu’elles sont.

Je suis un spécialiste de la transformation du métier des entreprises dans un environnement technologique. Je ne comprend pas pourquoi ces métiers axés sur la coopération ne sont pas aussi développés dans les grandes entreprises françaises. Pourtant, Daniel Krob, responsable de la chaire des systèmes à l’école polytechnique, explique que ce sera le métier du XXIème siècle, notre siècle : l’Architecte.

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