L’objectif du le plan énergétique de la Corse (PEC) est de prévoir les moyens humains et financiers devant être mobilisés pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique de l’ile à moyen et long terme.
Le PEC est un préalable indispensable afin que les acteurs de l’énergie soient en mesure de planifier et programmer la réalisation de nouvelles infrastructures. Venant après l’hiver 2005 qui a connu de fortes coupures, le PEC 2005 devait produire les mesures à mettre en oeuvre pour éviter que cette situation ne se reproduise dans l’avenir.
Est-ce l’objectif est atteint ?
La question de l’objectif
La responsabilité de l’échec du plan précédent est rapidement mise sur la nécessité des parties prenantes de gagner en compétences sur le domaine énergétique. La difficulté pour mobiliser les investissements nesséçaires à la réalisation des ouvrages planifiés ne provient pas seulement du nombre de parties prenantes à solliciter, la Corse comme d’autres îles a un problème structurel vis à vis de la production électrique.
Les coûts de production corses sont le double des coûts de production français, en cause, la taille des installations qui ne permet pas une utilisation optimale des moyens, et les pertes dues au transport et à la distribution sont plus importantes que sur le continent.
Résultat, au tarif régulé, EDF vend son électricité à perte, il est difficile dans ses conditions de décider de nouveaux insvestissements. C’est aussi la raison qui pousse la Corse vers les énergies renouvelables.
La prévision de la demande d’électricité
Le PEC 2005 formule pour l’avenir les hypothèses d’un profil de consommation stable, dont la croissance suivrait la croissance économique moyenne constatée ces dernières années, minorée des économies consécutives aux actions d’efficacité énergétique, soit 3,8% à horizon 2015 et 2,7% ensuite. Aucun scénario n’a été étudié qui permette d’anticiper des situations de rupture que ce soit de pénurie ou de surcapacités.
La diffusion rapide d’innovations technologiques consommatrices d’électricité peut perturber cette hypothèse… Par exemple une adoption importante et rapide de l’usage de véhicules électriques. Ou bien le développement d’une nouvelle activité économique ouvrant de nouveaux usages de l’énergie électrique.
D’autre part, l’observatoire OPEN de l’ADEME a mis en évidence que sur 2560 rénovations 22,1% sont sujettes à regret, 69,7% doivent être complétées, seules 8,8 % sont considérées comme satisfaisantes.
Coté production
Le réseau n’est pas remis en question hormis quelques aménagements à long terme pour absorber l’accroissement de puissance prévu pour couvrir le scénario de demande retenu. On n’a pas étudié la robustesse du réseau à d’autres scénarios de demande. A terme le choix est soit de miser sur une production locale et maintenir le réseau de transport à 90 Kv, soit de miser sur l’importation d’énergie et de passer le réseau de transport à 225 Kv, ce qui poserait des problèmes environnementaux.
L’orientation retenue en terme de mix électrique est 30% d’électricité produite par des unités utilisant une énergie renouvelable, 30% d’électricité produite par des moyens traditionnels y compris l’hydroélectricité, 30% provenant des liaisons Italie-Sardaigne SACOI et SARCO.
Aujourd’hui le câble SACOI et SARCO fournissent au total une puissance de 130 MW d’énergie appelable. A terme cette puissance pourra être portée à 400 MW si nécessaire, moyennant des aménagements d’infrastructure.
Le PEC mentionne le projet GALSI, qui reliera la corse au Gasoduc italo-alégrien, mais ne croit pas à son impact sur le mix d’énergie. En revanche, il ne mentionne pas le projet DESERTEC, dans le cadre de l’UPM, qui prévoie d’alimenter l’Europe du Nord en électricité éolienne et solaire produite dans les régions désertiques.
Est-ce que la Corse devrait être un producteur net d’énergie ? Certains y ont révé en dessinant le projet d’une mini centrale nucléaire.
La nécessité d’un pilotage efficace
L’échec du plan énergétique précédent est une cause significative des ruptures de fournitures de l’hiver 2005. Cela a conduit à prendre des mesures dans l’urgence, notamment la mise en service du câble SARCO et l’aménagement des centrales existantes.
Si tous les acteurs sont d’accord pour affirmer qu’il est indispensable pour la sécurité de l’approvisionnement de la Corse de réussir ce plan, les obstacles demeurent :
- EDF est le seul interlocuteur en ce qui touche au transport et à la fourniture d’électricité.
- La CTC n’a pas de pouvoir de décision pour ce qui concerne les unités de production classiques, centrales thermiques, ouvrages hydroélectrique dont la puissance dépasse 8 GW (ex : le Rizzanese).
- Une difficulté pour mobiliser des ressources financières est due à la multiplicité des parties prenantes qui ont des intérêts et des contraintes divergentes.
La CTC doit s’affirmer comme le véritable coordinateur et le pivot de la politique énergétique Corse.
L’engouement pour le photo-voltaïque
L’engouement pour le photovoltaïque prend essentiellement sa source dans l’ambition française de porter la part d’énergie renouvelable à 23% d’ici 2020. Ceci motive le tarif de rachat intéressant : 45ct le KWh, notamment en Corse qui est considérée comme la vitrine française sur le sujet.
Pour les investisseurs, outre le tarif de rachat 2 fois plus intéressant que sur le continent, les projets se heurtent à moins de contraintes règlementaires et de résistance que les projets éoliens.
Pour les pouvoirs publics, ces projets apportent une activité supplémentaire aux entreprises locales et contribuent au financement de communes ébranlées par la désertion de l’intérieur.
Un projet de ferme photovoltaïque controversé pour son ampleur a été déposé en avril 2008 sur la commune de RAPALE. Un autre projet de taille importante a été déposé en Janvier 2009 sur la commune de Montegrossu.
Le photovoltaïque s’inscrit pour l’instant dans une logique d’activité subventionnée et ne va régler à court terme la question du coût de production et des investissements à mobiliser.
Il faut faire des choix
La production locale est une option aujourd’hui nécessaire mais difficile à maintenir dans l’avenir pour les raisons économiques précitées qui conditionnent la capacité d’investissement.
Les progrès dans le domaine de énergies renouvelables : photovoltaique (silicium noir), énergies marines, vont permettre d’ici à 10 ans, d’introduire des sources de production efficaces et économiques.
En attendant, faut-il miser sur la collaboration avec la Sardaigne ou bien continuer à produire localement l’énergie avec des moyens classiques ? Pourquoi ne pas produire en Sardaigne avec des unités plus importantes et donc économiquement plus rentables, en attendant l’intensification des maillages européens.
Le rôle du pilotage est alors essentiel pour adapter les efforts et garder suffisament de ressources en réserve pour saisir les opportunités qui ne vont pas manquer de se présenter dans le cadre des coopérations régionales, européennes et méditerranéennes. Ce pilotage est également difficile car il touche des questions de choix de société appartenant à la sphère politique. Orientations claires, cohérentes et pédagogie sont le facteurs qui mènent à la réussite.
La Corse a des atouts. Notamment, elle posséde une université qui forment des compétences capables de contribuer à ce pilotage, d’autre part, elle héberge une direction déléguée du pôle de compétitivité Cap energie. Enfin, les orientations de la CTC mettent une priorité importante sur l’énergie dans le cadre du développement durable.
Pour relever le défi de l’avenir de la Corse, il faut passer maintenant à la vitesse supérieure.
Pour sortir de sa posture d’économie asssistée, la Corse doit absolument remplacer les activités subventionnées par des activités ayant un sens économique et contribuant à la compétitivité de l’économie insulaire. Ne doutons pas que cela est possible !