Pourquoi faut-il se préoccuper de nos déchets ?

Le seul argument de l’augmentation du volume ne suffit pas bien qu’il y a 15 ans, les tendances  pouvaient paraître alarmantes. En effet, en 11 ans, entre 1995 et 2006, France métropolitaine a vu la quantité de déchet par habitant croître de 16,18%. Si l’on tient compte de l‘accroissement de la population française, on a traité 23,04% de déchets supplémentaires en 2006 par rapport à 1995.

En revanche, le coût des déchets a été multiplié par 3 entre 1990 et 2004.

La nécessité de gérer les déchets est motivée par une population, qui, avec l’élévation du niveau de vie, a des fortes exigences de qualité environnementale :

  • l’expansion des zones résidentielles autour des centres urbains n’aurait pas été possible dans de telles proportions avec les décharges à ciel ouvert. Gérer les déchets contribue au dynamisme économique du bâtiment, accroît la valeur du bâti et, par conséquent, celle du patrimoine de la population.
  • Gérer les déchets permet de maîtriser les impacts sur la santé humaine, en effet, les études médicales confirment les craintes de la population, par exemple, cette étude du Lancet rapportée par caducée.net. Ainsi, gérer les déchets contribue à la maîtrise des coûts de santé et à la productivité des entreprises dont les collaborateurs sont en meilleure santé
  • Gérer les déchets permet de maîtriser les effets polluants à moyen terme sur l’environnement, notamment la perturbation de la chaine alimentaire avec l’accumulation des métaux lourds ou bien la disparition de certaines espèces. Cela contribue à préserver le patrimoine santé de nos enfants et à maîtriser les coûts futur de leur alimentation.

Aujourd’hui tout le monde est convaincu qu’il faut considérer les coûts sociaux générés par l’activité économique et les financer. C’est exactement l’approche du développement durable.

Si la France n’avait pas considéré et traité pour partie les coûts sociaux générés par l’expansion économique de ces 30 dernières années, elle n’aurait pas eu les moyens d’investir dans des infrastructures comme le TGV, et serait économiquement à la traine de l’Europe.

La gestion des déchets

Les objectifs de la gestion des déchets sont doubles :

  • Maîtriser les impacts des déchets sur l’environnement et la santé humaine
  • Maîtriser les coûts de traitement des déchets qui s’accroissent avec le niveau d’exigence

La maîtrise des impacts sur l’environnement et sur la santé est l’objet d’une réglementation de plus en plus contraignante au niveau européen et au niveau national.

Bien que, conformément à la loi, l’élimination des déchets ménagers et assimilés (ordures ménagères,
déchets verts, etc…) relève de la responsabilité des communes ou de
leurs groupements (article L. 2224-13 du Code Général des Collectivités Territoriales), la maîtrise des coûts de traitement n’est possible qu’en déployant une stratégie sur l’ensemble de la chaîne, depuis le producteur en passant pas le consommateur, jusqu’au traitement. Cela exige une collaboration entre l’état, les régions, les département et les communes.

Cette stratégie permet de coordonner les actions :

  • Au niveau des producteurs, des mesures d’incitation à faire des produits et des emballages recyclables, quitte à prendre en charge le traitement si nécessaire
  • Au niveau des distributeurs en maîtrisant aussi les emballages, les sacs
  • Au niveau des consommateurs en orientant l’achat des produits mais aussi en participant à l’effort de collecte et de traitement des déchets en triant.
  • Au niveau des communes en participant à une chaine de traitement optimisée qui valorise au maximum les déchets

La maitrise des coûts de traitement nécessite de mettre en oeuvre une approche industrielle au niveau du tri afin de pouvoir valoriser les déchets et au niveau du traitement ultime, lors de l’incinération et lors de l’enfouissement.

Les coûts d’investissement sont très importants : entre 80 et 120 millions d’euros pour un incinérateur, une usine de traitement et de valorisation des déchets organiques d’une capacité de 130 000 tonnes annuelle coûte environ 27 millions d’euros. En outre, selon le type de déchet, la démarche de valorisation est différente ce qui nécessite une organisation de filière entre acteurs différents avec une logistique complexe. Ceci sans compter les déchets industriels et les déchets des activités de santé qui réclament des traitements spécifiques.

La filière de traitement des déchets doit relever Les enjeux suivants :

  • un niveau de regroupement adapté à la taille des investissements mais qui doit permettre de garder la flexibilité organisation indispensable
  • une démarche industrielle qui utilise des technologies complexes et maîtrisées
  • une organisation de filière avec une logique économique qui motive les optimisations nécessaires pour établir et préserver un fonctionnement efficace

La logique économique rend parfois certaines activités instables, tel le tri du papier au mois de décembre, lorsque le coût d’achat par les usines de recyclage avait été divisé par 10. Bien que conjoncturel, cela avait destabilisé certaines collectivités territoriales.

A l’issue du traitement et des recyclage restent les déchets ultimes qui doivent être incinérés ou enfouis. La loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 modifiant la loi du 15 juillet 1975 a mis en évidence la notion de déchet ultime, défini comme « résultant ou non du traitement d’un déchet, qui n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de sa part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux. »

Même très encadré, l’enfouissement fait craindre une pollution des sols par infiltration et connait une résistance importantes de la part des associations environnementales.

L’incinération pour sa part génère des polluants gênants voire indisposants comme des gaz acides des NOX, des SOX, mais également de la dioxyne, nocive pour l’homme. Bien que les incinérateurs modernes ont un ensemble de filtres qui ne laissent échapper qu’une très faible partie de ces polluants, en deçà des seuils de nocivité connus, des doutes sur la qualité de certains incinérateurs ainsi que sur capacité des collectivités territoriale de les faire fonctionner dans des conditions optimales, motive la forte résistance des associations environnementales.

Celles-ci veulent pousser les pouvoirs publics à développer davantage le recyclage et la valorisation des déchets.

Les déchets en Corse

Par rapport aux questions posées par le traitement des déchets, la Corse a beaucoup de handicaps : le nombre de communes, leur taille, leur disparité, le niveau des infrastructures de transport. La taille de la Corse également est une handicap pour la localisation de certaines unités de traitement ultime.

En 2002, la Collectivité Territoriale de Corse a établi une politique de déchets formalisée dans 2 plans : le plan d’élimination des déchets ménagers (PIEDMA) et le plan régional d’élimination des déchets industriels (PREDIS).

Le PIEDMA a donné lieu en 2007 à la création du syvadec dont la mission est « la prévention, le recyclage, la valorisation et du traitement des déchets ménagers« . Ce syndicat permet de  regrouper les acteurs afin de réaliser les regroupements de moyens indispensables à la mise en oeuvre d’une démarche industrielle.

Les déchets ménagers représentent un volume de plus de 190 000 tonnes anuelles et les déchets industriels 15 000 tonnes de déchets annuels dont 7000 tonnes de déchets dangereux. Le syvadec s’est attelé à la tâche en se heurtant aux difficultés, en temoigne l’épisode de l’incinérateur de Ponte-Leccia comme celui de la défection de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA).

Les raisons apparaissent en filigrane des doléances :

  • une réflexion qui n’a pas suffisament pris en compte les besoins des parties prenantes,notamment des élus locaux,
  • une démarche qui ne construit pas la confiance nécessaire,
  • des options qui ne prennent pas assez en compte l’équilibre entre flexibilité et regroupement de moyens.

Pour finir

La Corse a une image environnementale exceptionnelle, la politique de Gestion des déchets doit contribuer à soutenir cette image. S’il vous plaît, ne reproduisons pas à l’identique ce qui se fait ailleurs, au risque de développer un outil pas tout à fait adapté, voire en contradiction avec les objectifs de développement de la Corse.

L’innovation n’est pas uniquement une question de moyens industriels, mais aussi une capacité à trouver de nouveaux modes d’organisation pour utiliser au mieux les moyens existants.

Les handicaps de la Corse peuvent devenir des forces, si ils conduisent à trouver de nouveaux modes d’organisation de la filière déchets. En effet, ces handicaps, la Corse n’est pas la seule à les avoir, elle sera alors en mesure d’exporter ses savoir-faire.

Le succès de l’initiative qui a abouti au banissement des sacs plastiques en 2003, est remarquable de ce point de vue.

Ainsi, Gérer les déchets en Corse, cela doit passer par :

  • construire la confiance entre les acteurs,
  • s’attacher aussi à la collecte que la multitudes de collectivités locales microscopiques ne peut assurer avec le niveau de qualité requis, car le tri commence chez les particuliers,
  • définir le niveau de regroupement de moyens en fonction des filières pour garder un niveau de flexibilité souhaitable
  • définir les modes de coordination adaptés
  • choisir de collaborer avec des entreprises françaises ou italiennes
  • et faire monter en compétences des acteurs sur qui reposent le bon fonctionnement de l’ensemble

La Corse dans ce domaine doit avoir l’ambition d’être un modèle. Ce n’est pas une question financière, c’est une question de motivation et de cohésion dans la vision et la mise en oeuvre.

One thought on “La question de la gestion des déchets reste ouverte

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